Alors que Dawn of Heathens marquait un retour mitigé (du fait du réenregistrement de vieux titres classiques avec une bonne production qui dessert leur ambiance) du groupe à membre unique de NSBM hellénique, Zeit der Cherusker sort un an après sur le même label, Christhunt Productions. Généralement, une courte durée entre les sorties d'un même groupe est synonyme de médiocrité et de travail bâclé, surtout en matière de black metal; or, dans le cas de Zeit der Cherusker, l'auditeur qui s'attendait à une déception risque de se prendre une claque.
L'album, dont le titre signifie "le temps des Chérusques", traite visiblement de la bataille de Teutobourg, qui consacra la victoire d'une alliance de tribus germaniques contre les légions romaines. La pochette représente d'ailleurs un dessin de la statue d'Arminius, chef de guerre chérusque. La plupart des paroles sont en allemand, et on peut constater à l'écoute du chant un net progrès de la prononciation d'Athalwolf.
Pour les non-initiés, le NSBM de Wolfnacht s'inspire plus de la scène norvégienne que de la scène grecque des années 90. Il se base sur des riffs mélodieux et épiques soutenus par des claviers majestueux, contrebalancés par des riffs plus mélancoliques. Bien qu'ayant une certaine maîtrise instrumentale, le jeu d'Athalwolf garde un style assez simpliste, privilégiant les thèmes accrocheurs à la virtuosité démonstrative. Il aime notamment changer de rythme sur un même thème, ou décaler un même riff d'intervalle. Sur Zeit der Cherusker, il utilise des riffs plus complexes qu'auparavant, plus denses. C'est un véritable déluge de notes qui assaillit l'auditeur, non sans procurer un certain plaisir, renforcé par un chant surprenant mais efficace.
Wolfnacht réussit ici le pari de sortir l'album de la maturité sans trahir son propre style. L'excellence de la production est enfin à même de mettre en valeur les nouvelles compositions d'Athalwolf. Tout est soigné à la perfection: le son bluffant de boîte à rythme, qui dépasse celui d'une vraie batterie; la voix, utilisant une technique originale à mi-chemin entre la complainte et les vocaux éraillés; le son de guitare, accrocheur et limpide sans manquer de saturation et d'agressivité (exit le souffle et le grésillement permanent qui deviennent si pénible en BM avec une production numérique); le mixage judicieux et la qualité des orchestrations synthétiques.
Le constat s'impose: Wolfnacht a enfin trouvé sa voie, son propre son. Après avoir lorgné avec plus ou moins de succès du côté d'Absurd sur Night of the Werewolf (plus) ou de Der Stürmer sur Töten für WOTAN (moins), Wolfnacht sonne comme Wolfnacht, innovant tout en restant enraciné dans ses débuts. Comment ne pas penser à Morgendämmerung der Heiden, ou même au vieux titre "Geheime Staatspolizei" en écoutant certains riffs? L'écueil de la mauvaise production (trop digitale et manquant de relief) qui avait entaché le sublimement mélancolique Heidentum est loin derrière. Les compositions approchent la perfection, et la production permet d'exploiter pleinement leur potentiel musical.
Cette chronique relate mon sentiment de première écoute. Pour l'instant, je n'ai qu'un seul bémol à émettre: autant j'apprécie beaucoup la majorité des titres, autant je trouve les instrumentaux (synthé + guitare) "Battles in the Teutoburger Forest" et "Der Weg nach Walhall" assez dispensables. Mon verdict sur Zeit der Cherusker: album à se procurer rapidement - à confirmer.
PS: après de nombreuses écoutes, l'outro "Der Weg nach Walhall" passe beaucoup mieux. A écouter en regardant un paysage de campagne à la tombée du crépuscule en été.
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