Voilà une chronique que j'avais entamée il y a des mois, mais laissée en suspens par paresse. Je ferai grâce au lecteur des présentations, je suppose qu'il connaît déjà parfaitement les circonstances de la sortie de ce nouvel album.
L'introduction sonne comme un bruit de boules de métal entrechoquées. En réalité, une interview récente de Vikernes m'apprend qu'il s'agit d'une enclume. Bref, rentrons dans le vif du sujet. "Belus' Doed" est une sorte de version black metal du morceau "Baldurs Tod" sur l'album éponyme (Daudi Baldrs), ce qui est somme toute assez logique vu la proximité des titres (l'un en norvégien, l'autre en allemand, Baldur étant l'équivalent germano-nordique de la divinité celtique Belus).
Le son de guitare est rugueux, avec un souffle assez fort qu'on perçoit à la fin des morceaux, comme s'il avait été enregistré avec le Peavey 6505 en branchement direct sans noise gate.
Pour rester dans les considérations techniques, la partie rythmique de l'album suscite un questionnement : Vikernes affirme dans une interview parue sur son site officiel qu'il a utilisé un "old 1975 drumkit". Pourtant, c'est bien une boîte à rythme que l'on entend, dont le son est relativement bon certes, mais la cymbale crash, utilisée en excès, lasse rapidement.
La basse a un excellent son, ronronnant à loisir sur "Glemselens Elv" et "Morgenrote", parfois mixée en avant pour mieux être mise en valeur.
Les vocaux sont similaires à ceux de Filosofem, mais moins saturés. Vikernes chante exclusivement en norvégien et utilise parfois des vocaux mélodieux, ce qui rappelle les vieux Enslaved.
Attardons-nous sur quelques morceaux en particulier. Comme je l'ai dit plus haut, "Belus' Doed" n'est pas vraiment un inédit. "Glemselens Elv" (le fleuve de l'oubli), le troisième titre, montre le visage du nouveau Burzum. La compo est mélancolique, très efficace ; vers 3 minutes 12, la guitare joue un riff d'une limpidité cristalline qui semble figurer l'écoulement de l'eau, en restant dans une tonalité sombre et mélancolique sans être dépressive, car empreinte de sérénité.
"Kaimadalthas' Nedstigning" comporte une innovation notable : un passage vocal parlé sur un break au rythme technoïde, repris en vocaux mélodieux, puis samplé et répété plusieurs fois.
"Sverddans" (danse des épées, un titre assez répandu en BM) débute par un riff joué sur des cordes étouffées, légèrement réminescent de "War" pour la tonalité death/thrash du début des années 90. Le solo, brillant de noirceur, rappelle celui de "Ea, Lord of the Depths".
Enfin, le morceau de conclusion se résume à un riff simple à deux accords, joué sur un rythme tout aussi simple de grosse caisse, répété à l'infini et doublé une fois sur deux par une deuxième guitare.
Sur cet album, les riffs sont exécutés avec rigueur et austérité, mais les compos sont répétitives et leur structure rigide, ce qui engendre une tendance à l'ennui et à l'endormissement. Les riffs sont bons, mais mal exploités, car répétés trop de fois jusqu'à lasser l'auditeur. J'ai déjà émis des réserves sur le son de guitare et de boîte à rythme, qui auraient mérité d'être plus amplement travaillés à mon avis.
Néanmoins, il est fort positif de constater que Burzum, en reprenant 14 ans plus tard le flambeau de Filosofem (qui diffère peu de Belus, à part l'usage du synthétiseur), s'inscrit complètement en porte-à-faux de la quasi-intégralité des (re)formations scandinaves (Dissection, Darkthrone, Satyricon, Gorgoroth... liste non-exhaustive) de la seconde vague, ayant sombré dans la facilité générique, pour ne pas dire commerciale. L'intégrité de Vikernes semble donc avoir été renforcée plutôt qu'amoindrie par l'emprisonnement, à l'inverse d'un Faust ou d'un Nödtveidt. Mon observation vaut autant pour son oeuvre musicale que pour ses idées exprimées publiquement.
Ma conclusion de cette humble chronique (réalisée de mon point de vue subjectif de musicien) sera donc mitigée : je ne peux que saluer la constance de Vikernes à travers son entité musicale Burzum, mais en tant qu'auditeur, je constate qu'il a vieilli en écoutant Belus, ombre d'un glorieux passé indétrônable qui s'incarne à la perfection dans Hvis Lyset Tar Oss.
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